Denis Tellier

Denis Tellier est né en 1949 à Paris. Il réside actuellement dans les Ardennes.

Poseur de coqs sur les clochers, berger, pompier, débardeur, bûcheron, charpentier, Père Noël c’est un véritable inventaire à la Prévert que nous livrent les différents métiers exercés par Denis Tellier. Tout éveille en lui curiosité et la rencontre avec une communauté d ‘artistes dans les années 70 lui a permis « d’ouvrir le tiroir » d’y prendre le ciseau à bois et de marteler, de le ciseler ce bois. L’univers de Denis est bien là, il taille le bois et nous laisse à voir des œuvres fortes, dérangeantes, mais d’où se dégage une malicieuse poésie. Ces textes en sont le prolongement, des mots qui font mouche, bouleversants, grinçants parfois, d’autres d’une désarmante tendresse. Une écriture incisive au style épuré, poétique et surréaliste qui fait de Denis Tellier un auteur inclassable.

  • « Adrien de la Vallée de Thurroch »  paru en 2012, éditions Lunatiques est son premier roman. Adrien, gueule cassée du Chemin des Dames, revient dans son village, un trou perdu où règne l’ennui et la misère. Adrien travaille durement de ferme en ferme.  Il trimbale avec lui un vieux cahier et écrit pour soulager sa souffrance. Puis un jour le village sursaute : le Vieux a disparu et Adrien devient aussitôt le bouc émissaire idéal.
  • « Un détail troublant » paru en 2018, éditions du grand M. Un recueil de petits instantanés poétiques de la vie, parfois corrosifs, inattendus, décalés mais aussi nostalgiques, tendres et toujours précieusement biseautés.

Ses poèmes sont empreints d’une grande délicatesse, d’un vague à l’âme où, comme pour mieux s’en protéger, Denis y dépose un saupoudrage de sensualité. « La nuit est une rose noire » en est un beau reflet.

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Retour de lecture de Yann Hureaux sur « Adrien de la vallée de Turroch »
 
« Vous possédez l’essentiel, un style déroutant certes, mais bel et bien présent. À la fois tendre et puissant, gorgé de la sève d’un poète. Votre vision du monde, entre Céline et Jerzy Kosinski, ne s’embarrrasse pas de fioritures. Avec un souffle impressionnant, vous y allez fort et tous azymuths….
Votre personnalité — oui, c’et le mot — est attachante. Elle fleure bon ces êtres entiers, taillés à coups de serpe que notre monde frelatépeut difficilement comprendre.
À vous de lui imposer votre fichue présence ! »

 
Je vais essayer de parler de Denis Tellier. Essayer car je pense que le lire relève de l’expérience intime. Tu vas me dire que c’est le propre de la lecture. Pas forcément. C’est intime si ça touche l’âme.
Il s’est donc pointé dans mon Messenger un jour de novembre, de cette façon qui lui est propre et qui m’a fait sourire. Je suis allée voir son profil, j’ai pensé _ Tiens le frangin à Artaud ! _ et je lui ai répondu « Vous avez une tête de voyou, un voyou ça fait sa peine, pour la peine, je vous envoie une invitation. »
Alors, on a commencé à papoter et très vite à lire des livres. Des petits bouquins comme j’aime, avec pas beaucoup de pages mais qui contiennent l’univers, l’humanité entière, minéraux, végétaux amphibiens, oiseaux, volatiles de basse cour et mammifères, humains et zanimo compris. Surtout zanimo. Chevaux vaches cochons… Et de la terre lourde qui colle aux chaussures et ralentit le pas, et de la flotte, beaucoup de flotte et qui gèle par plaques dans les flaques au point que certains pourraient s’y tailler la moustache, et du sang dans la gadoue et sur les mains, et un môme été comme hiver en culotte courte, les pieds glacés dans de mauvaises chaussettes de laine humide, et qui paie pour les autres le mal qu’il n’a pas fait.
Voilà pour l’intro.
Homme poète écrivain magicien alchimiste conteur génie fou équilibriste funambule… je ne l’enfermerai dans aucun mot.
De toute façon, il s’évaderait, et moi aussi.
Grand oiseau noir, peut être.
Gamin visionnaire, dont le regard de feu fait baisser les yeux des adultes, sans doute.
Déséquilibriste, je brûle.
Vertigeur, voilà.
Dans tous ses livres, ceux que j’ai lus en tout cas, il y a cette sensation de déséquilibre, ce risque du trébuchement, du sol qui se dérobe, que ce soit du haut d’un échafaudage, dans la terre épaisse d’une tranchée, sur la planche vermoulue d’un petit pont, et même autour de la table où des individus grossiers et frustrés jouent, en se la renvoyant de l’un à l’autre, avec la môme qui leur sert la soupe. « Arrêtez, vous me faites mal »… murmure t’elle.
Alors, moi qui poursuis ma lecture, je tremble un peu en sentant approcher les mots qui vont me cueillir au coeur. Et quand cela arrive, le gamin aux yeux noirs est là pour assister désolé à la lente disparition du corps de la fillette dans les eaux sombres de la Meuse, à la chute du clocher d’un bâtisseur en guenilles étonné d’aller moins vite que la lumière, à l’envolée incontrôlée du médecin fou qui, répondant à l’appel d’un enfant qui lui ressemble, s’en retourne dans la nuit, balançant ses grands bras avec sa mallette au bout, dans le paysage de la toile de Van Gogh (Vincent qui, soit dit en passant, me bouleverse dés les premières pages).
Chez Denis Tellier, les chiens aboient dans les silences, une mère meurt comme un petit poulet, des chevaux épuisés ont le désir de s’arrêter pour se regarder marcher, un vieillard poète disparaît une grosse oie blanche morte blottie dans ses bras, et à la communion le pain azyme, cette hostie pompeuse de mucus… se transforme en crème salivée qu’il ne faut pas avaler trop vite ou de travers… épouvantable impression d’avoir le Christ là… debout dans l’estomac, avec ses sandalettes en peau de bête…
Ce que je veux dire avec ces extraits minuscules, en vrac et en désordre (j’espère qu’il va me pardonner !) c’est que chaque mot, chaque phrase, me ramène à un souvenir, à une sensation, une odeur, une émotion, à une larme coupée en deux…
Ce dont je veux parler aussi à propos de Denis Tellier, c’est de cette nécessité de le lire au ralenti – phrase à phrase, page à page, et souvent en revenant en arrière – avec cette impression que son écriture se nourrit d’elle même, qu’elle « mange » les mots en avançant, et pourtant quand je reviens en arrière, ils sont toujours là, épinglés à ma mémoire, comme mâchés, déglutis, régurgités, et plus prégnants encore.
Enfin, et c’est peut-être là « sa marque », c’est l’amour, la tendresse et l’empathie qui enveloppent tout, et quoi qu’il raconte, que ce soit terrible, cruel, drôle ou doux, l’envie de pleurer ou de sourire m’accompagne tout au long.
Et je sens (Ô merveilleuse subjectivité que je m’accorde) que cet amour c’est celui du gamin visionnaire qui observe dans son silence comme seul le silence permet d’observer, qui visite le cœur des humains, plonge dans le désarroi des plus faibles, respire la puanteur du fumier, s’enivre au parfum du sureau, entend siffler les obus dans le brouillard épais d’un champ de ruines, écoute la leçon des arbres pour me les redonner dans ses mots, maintenant qu’il est devenu un grand oiseau noir, ou du moins cette créature singulière dont les ailes, lentement, lui poussent dans le dos.
« Enfin, je voulais vous dire aussi que je suis l’heureux propriétaire d’une centaine d’hectares de brouillard… » lance Adrien.
Et les corbeaux rient.
Portrait signé Brigitte Guilhot

 
 
Denis Tellier… Pour moi c’est comme une boule à facettes… Il est tellement surprenant dans ses écrits… J’aime sa délicatesse d’un autre temps… C’est quelqu’un de bouleversant de vérité. Il te fait sentir l’odeur du sang, la profondeur des sentiments… Il peut être cru et ça j’adore tous les contrastes qui font de lui un PERSONNAGE UNIQUE…C’est une pierre à l’état brut et un sculpteur hors pair… Il me prend aux tripes à chaque fois. J’éprouve un profond respect pour cet auteur… C’est un TOUT qui ne s’explique pas !!!! Il fait partie des gens humbles qui ont vécu 1000 vies ( je devine des excès de jeunesse) mais qui ne t’en foutent pas plein la vue… J’aime l’appeler  » Maître Corbeau  » car c’est la première image qui m’est apparue en le voyant…J’aime beaucoup ce type tout simplement pour son authenticité et sa timidité parfois…
 
 
 
Isa Cayéré

 
 
Il est peu de gens qui donnent le sentiment d’une vie dans leurs mots, de frôler l’âme dans une justesse d’émotion bouleversante comme une sonate de Mozart. C’est une écriture qui change la place des meubles de votre jardin secret, qui fait vibrer comme des caresses, des fulgurances. C’est parfois insolent, parfois criard, mais toujours tendre. Une sorte d’univers pirate que les croquants et les croquantes ne peuvent pas comprendre…  On flirte avec les émotions poussées à bout. C’est près de l’os, souvent. Et cela vous fait souvent entendre l’indicible. On épouse des destins suggérés dans un art proche de celui de Faulkner, des passés qui rendent les êtres captifs dans des décors aussi désolés qu’eux, parfois. On expérimente la bizarrerie du beau malgré les démons et les orages d’une vie, et c’est très baudelairien. Une écriture qui porte en elle des voix éteintes… Tout se passera à hauteur d’homme, funambule entre l’introspection la plus profonde et les orages les plus spectaculaires. Langage d’un corps et du mouvement d’une pensée. À nous de prendre garde à chaque mot, à chaque phrase pour profiter du périple…
Marie Driot

Quelques extraits 

Avant que ne tombent les ténèbres,
avant que le soir ne recouvre le feston de la nuit,
je voulais vous dire que je suis l’heureux propriétaire
d’une centaine d’hectares de brouillard !

Adrien de la vallée de Thurroch

©Denis Tellier

Paysage remarquable,
troublant à en chercher des repères,
avant le retour des brumes
comme une marée haute qui prend son temps,

elle,
la grande plaine,
la belle paresseuse,
qui se recouvre soigneusement de ses dentelles,
pour en finir avec le jour et se chiffonne
à l’extrémité de la nuit sous les étoiles,

toute éblouie.

A Monsieur André Dhôtel

©Denis Tellier


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